vendredi 24 novembre 2017

Marc Dugain : Ils vont tuer Robert Kennedy (N°1 Nov 2017)

Marc Dugain : Ils vont tuer Robert Kennedy  - Gallimard, 2017 - roman français

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Marc Dugain explique avoir une passion pour l’énigme et le mensonge d’Etat dont l’affaire Kennedy qui reste un grand mystère du XXème siècle.
Après 40 ans de recherches sur les meurtres des frères Kennedy en recueillant des informations via les médias, des travaux universitaires et scientifiques, Marc Dugain se lance dans ce roman extraordinaire, entre enquête et fiction, qui lui permet de nous faire parcourir l’histoire des Etats-Unis des années 1960.
Le narrateur est un enseignant d’histoire contemporaine de Vancouver qui est convaincu que la mort de ses propres parents en 1967 et 1968 est liée aux assassinats des Kennedy. Il rédige d’ailleurs une thèse sur Robert Kennedy (1925-1968), « le plus idéaliste et le plus intègre de la célèbre et maudite fratrie ». Il découvre que son père, éminent psychiatre et passionné d’hypnose, avait des liens avec les services secrets britanniques durant la seconde guerre mondiale et aurait appartenu à la CIA avant d’en être la victime. L’enquête l’emmène dans un engrenage incroyable et lui fait découvrir le caractère paranoïaque des Kennedy. On reste ébahi par certaines révélations vertigineuses.
 J’ai relevé quelques phrases : « Les femmes sont à John ce que l’insuline est à un diabétique »…« Une phrase de Churchill que JFK aimait répéter ‘le courage est, de toutes les qualités la plus importante et c’est elle qui détermine toutes les autres’. Marc Dugain applique cette devise à Jacky qui a montré « une bravoure surprenante » car cette journée à Dallas « s’annonçait comme une parenthèse dans la laideur du monde »…« Bob est convaincu de l’incontestable réalité du complot et de l’absolu nécessité de ne pas adhérer publiquement à cette thèse ». Bob parle de son père : « Cupidité, arrogance, adultère, meurtres, tous les péchés capitaux y sont passés ».
 L’auteur nous écrit des pages magnifiques et « des allers-retours narratifs » tantôt sur le parcours de Bob Kennedy après l’assassinat de son frère, tantôt sur les recherches familiales de son héros. Il trouve le moyen de « faire cohabiter les véritables personnages et ceux qui sont le fruit de son imagination » (LIRE). Il dit : « J’ai toujours été intéressé et fasciné par l’intrusion de la Grande Histoire dans la vie d’une personne banale » : Pari réussi, qui fascine aussi le lecteur d’un bout à l’autre. Quelques pages un peu longues et des secrets un peu compliqués alourdissent le style mais quelle énergie et quel souffle pour ce thriller « riche en rebondissements » !!!

Goliarda Sapienza : Rendez-vous à Positano (N°2 Nov 2017)

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Goliarda Sapienza : Rendez-vous à Positano - 2017, Le Tripode - roman italien 

 



Goliarda Sapienza (1924-1996) est une auteure italienne que j’admire énormément. J’ai relu cet été son fameux « L’art de la joie », paru en 1998,  monumental roman écrit entre 1967 et 1976 que les éditeurs italiens ont boudé et qui a été publié en France en 2005, après sa mort donc, connaissant beaucoup de succès. C’est l’histoire de Modesta, née en Sicile en 1900 : « La jeune femme nous entraîne sur le chemin d’une liberté qui gagne irrésistiblement le lecteur ». C’est une œuvre majeure de la littérature italienne. En 2013, est paru « L’université de Rebibbia », récit autobiographique, car l’auteur fit de la prison en 1980 et va « transformer cette expérience de l’enfermement en un moment de liberté, une leçon de vie ».
Vient de paraître ce roman « Rendez-vous à Positano » écrit en 1994, publié en Italie en 2015 et en France cette année :  Goliarda Sapienza éprouve un éblouissement lorsqu’elle arrive à Positano sur la côte amalfitaine de l’Italie près de Naples, « modeste village au flanc d’une colline qui plonge dans la mer ». Elle est hypnotisée par ce lieu et le décrit à merveille : les rues, les escaliers, (« les sempiternelles marches enchantées qui appellent vers le bas avec leur silence si profond qu’il caresse les oreilles comme une mélancolie supraterrestre ») les terrasses, les habitations, les vues sur la mer : « A Positano, dit-elle, on est voisins à vol d’oiseau mais séparés par des gouffres ». Les mœurs et habitudes de ce villages sont particulières : « Je deviens une vraie snob positanienne au point de marcher pieds nus », pieds « qui glissent sur le pavement de terre cuite » comme tous les habitants.
Elle décrit sa rencontre avec l’une des résidentes de ce village « à l’allure botticellienne ». Cette Erica, dite « la Princesse » devient pendant une vingtaine d’année « sa sœur d’âme » et leur complicité sera intacte jusque la mort d’Erica en 1985 : leurs confidences sont émouvantes et denses, leur relation très intime est quasi-amoureuse : « Elle est intelligente en plus d’être belle ». Elles se confesseront l’une l’autre les grands secrets de leur vie avec beaucoup de sensibilité et d’émotion. Leurs échanges aborderont beaucoup de sujets : la guerre au moment où elles se rencontrent en 1940, le travail et la place des femmes dans la société, le capitalisme, le fascisme, l’amour, l’art, les enfants etc…
Superbe roman d’amour dédié à un village et d’amitié intemporelle dédiée à une femme. Je suis tombée sous le charme…


Valérie Trierweiler : Le secret d'Adèle (N°3 Nov 2017)

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Valérie Trierweiler : Le secret d'Adèle - Ed Arènes, 2017 -

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Valérie Trierweiler raconte dans ce roman qu’elle a été frappée par le regard mélancolique de « la Dame en or », un des portraits les plus célèbres de Gustav Klimt (considéré comme la Joconde de l’Autriche). Ayant appris que le modèle était Adèle Bloch-Bauer, jeune femme de la haute bourgeoisie juive de Vienne, épouse d’un homme d’affaires richissime de 17 ans son aîné, elle décide d’enquêter à Vienne, à New York sur ce couple et imagine dans ce roman la vie d’Adèle mais aussi celle de Klimt et la vie à Vienne au début du 20ème siècle.
Après son mariage avec Ferdinand Bloch et la perte d’un bébé, Adèle se grise de la vie mondaine. Elle tient salon : écrivains, artistes, intellectuels, musiciens, industriels s’y pressent. On y parle peinture, musique, politique, psychanalyse avec Freud. Ferdinand commande au peintre Gustav Klimt un portrait de sa femme. Elle deviendra donc son modèle mais aussi sa muse, sa maitresse ainsi que son amie et sa complice. Klimt est dans sa période « cycle d’or » et choisit de représenter Adèle en « impératrice byzantine » sur fond doré. Une grande sensualité se dégage de ce portrait achevé en 1907 et Klimt reste très célèbre pour les tableaux créés pendant cette période.
Cette histoire d’amour, inventée ou pas, devient un beau roman prenant, émouvant, passionnant car bien documenté et bien écrit.
Il est intéressant de savoir que ce tableau fut volé en 1938 par Göring puis racheté par un collectionneur américain puis, après procès, restitué à la nièce d’Adèle, Maria Altmann, en 2006. Elle l’a vendu à un américain et il est exposé maintenant à la Neue Galerie à New York. On peut donc à nouveau admirer le chef d’œuvre de Klimt et l’incroyable beauté d’Adèle….