samedi 26 novembre 2016

Gaël Faye : Petit pays (n°1 Nov 2016)



Gaël Faye : Petit pays - Grasset - 2016 - roman autobiographique

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Lauréat du prix du roman Fnac en début d’automne, faisant partie de la première  sélection pour le Goncourt et maintenant Prix Goncourt des Lycéens, Petit Pays est l’une des découvertes de la rentrée. Gaël Faye est un franco-rwandais, exilé en France depuis 1995, devenu trader à Londres (où il menait « une vie de poisson rouge »…) puis rappeur-slameur en France.
La première partie du  roman (sûrement autobiographique) décrit  le quotidien insouciant d’un petit garçon métis (père français, mère rwandaise) au Burundi. Il mène une vie tranquille et heureuse vers la fin des années 1990 avec belle maison, domestique, copains. Que de belles images de cette enfance : le goût des mangues, la lumière aveuglante, la musique, les senteurs des fleurs, les jeux d’enfants puis de pré-ados. Mais cette insouciance est apparente car il connait les difficultés que sa maman a rencontrées. il nous écrit ce très beau passage : « Les voisins étaient surtout des Rwandais qui avaient quitté leur pays pour échapper aux tueries, massacres, guerres, pogroms, épurations, destructions, incendies, mouches tsé-tsé, apartheids, viols, meurtres, règlements de compte et que sais-je encore. Comme Maman, ils avaient fui ces problèmes et en avaient rencontrés de nouveaux au Burundi – pauvreté, exclusion, quotas, xénophobie, rejet, boucs émissaires, dépression, mal du pays, nostalgie. Des problèmes de réfugiés. »
La séparation de ses parents sera la première ombre et la fin de l’innocence. Commence alors la deuxième partie du roman : l’enfant devient adulte. L’auteur écrit avec puissance et émotion ce franchissement entre les deux mondes. A la même époque ont lieu les massacres entre Hutus et Tutsis. La famille de sa mère sera victime du génocide Tutsis au Rwanda en 1994. L’auteur « parvient à trouver les mots pour l’indicible, à travers le témoignage de sa mère, au cours d’une scène nocturne et douloureuse, sur l’assassinat de ses nièces » (Match)
« A la voix du petit garçon, se mêle celle de l’homme qu’il est devenu 20 ans plus tard ». Il nous dit lorsqu’il retourne dans son pays : « Je pensais être exilé de mon pays. En revenant sur les traces de mon passé, j’ai compris que je l’étais de mon enfance. Ce qui me parait bien plus cruel encore ». Le dernier chapitre est le point sublime de ce roman…très émouvant.
Beaucoup de sujets abordés dans ce roman puissant et dense : l’identité, la peur, le passage d’un enfant à l’âge adulte, le racisme en Afrique, les rapports entre les expatriés et les Africains, les exilés, les réfugiés.

Yasmina Reza : Babylone (n°2 Nov 2016)

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Yasmina Reza : Babylone -Flammarion, 2016 - roman : Prix Renaudot

L’auteure elle-même décrit son livre comme « une tragédie drôle » et Jérôme Garcin en dit : « Sous des airs de polar déjanté et de comédie sociale, un livre terrible et poignant ». Je suis moins enthousiaste que lui…
L’auteure nous met en scène (un peu comme dans les pièces de théâtre qu’elle écrit) les relations de voisinage dans un petit immeuble. La narratrice est Elisabeth, la soixantaine, femme active puisque travaillant comme « ingénieur-Brevets » à l’Institut Pasteur, désenchantée, mariée à Pierre, assez « ordinaire » et bourgeois. Elle aimerait une vie moins tranquille. Elle se prend d’amitié pour son voisin Jean-Lino, d’origine italienne, sans enfant, mélancolique, déjanté, attaché à son chat, ayant comme compagne Lydie, passionnée par les problèmes « écolo-bio », chanteuse et voyante à ses heures…Tous deux joignent la  solitude de leurs existences et ont des conversations pleines d’humour.
Pour la fête de printemps, Elisabeth décide d’organiser une soirée et y invite  des amis intello-bourgeois et le fameux couple de voisin. La soirée tourne mal : Jean-Lino, devant tous, se moque de Lydie qui fait signer des pétitions contre le broyage des poussins et qui ne mange que des poulets qui ont volé. De retour chez eux, Jean-Lino et Lydie se disputent et c’est le drame. Evidemment Elisabeth veut aider son ami, « intrigue cousue de fil blanc »…et on tombe à la « frontière invisible entre la folie douce et la raison » (Match)
Nous lisons ce livre en souriant : « Ce rire festif qui conjure la tristesse, comme dans « Heureux les heureux » écrit par Yasmina Reza qui a reçu le prix littéraire de Monde en 2013 » (Le Monde). Nous pouvons apprécier le beau sentiment d’amitié et de solidarité  des deux héros en comprenant un peu mieux leur vie en la découvrant dans des « flash-backs ». L’auteur connait l’art du dialogue et de la formule caustiques et drôles malgré la tristesse du décor et de l’événement. Nous sourions aussi en lisant les descriptions d’une banalité incroyable : les courses au supermarché, les meubles, les valises, les verres achetés pour la fête, la salle de bains, les vêtements, les lunettes, « la fameuse mèche recouvrante des gens chauves »…Yasmina Reza est « un écrivain talentueux, ivre de mots et de phrases virevoltant autour d’histoires haletantes » (La Croix).
Mais malgré tout, ce livre est déroutant car l’auteur mélange beaucoup de sujets et par moments les situations sont grotesques et un peu trop déjantées

Jean-Michel Guenassia : La valse des arbres et du ciel (n°3 Nov 2016)

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Jean-Michel Guenassia : La valse des arbres et du ciel - Albin Michel, 2016 - Roman français

 Aujourd’hui encore les circonstances de la mort de Vincent Van Gogh (1853-1890) restent mystérieuses. Dans ce roman, l’auteur invente les derniers moments du peintre en les racontant à partir du point de vue de Marguerite Gachet, fille du célèbre Docteur Gachet, collectionneur de peintures, qui soigna le peintre à Auvers sur Oise quelque temps avant sa mort. L’auteur imagine un grand amour entre Marguerite et Van Gogh : que s’est-il réellement passé entre les deux personnages ??? La jeune fille serait-elle impliquée dans la disparition du peintre ?

Toujours est-il que Jean-Michel Guenassia  nous fait des descriptions extraordinaires de l’artiste : « Vêtu de sa veste bleue, d’une chemise blanche, d’un pantalon noir, protégé par son chapeau en feutre » et de l’artiste en train de peindre : « Il peint collé à la toile sans observer le champ…je suis surprise par sa brusquerie. Il pose la peinture avec nervosité. Il semble pressé, ses gestes sont saccadés. Il se lance dans un corps à corps, flagelle la toile de petits coups répétés …» : magnifique. Elle dit aussi en voyant une peinture : « cette peinture était sidérante de beauté : c’était le plus beau champ de fleurs que j’ai jamais vu… »
Marguerite, très amoureuse, veut échapper à la sévérité paternelle et dépeint son père comme étant un « veuf aigri, tyran domestique et pingre ». Elle dit : « Il y avait un malentendu au cœur de leur relation (entre le Docteur Gachet et Van Gogh) : Vincent espérait vendre des toiles au docteur et celui-ci escomptait agrandir sa collection sans débourser un sou »…
Le style est fluide et très agréable à lire, c’est un récit « vif, pétillant d’esprit et de rebondissements cocasses » (Match). On se régale des descriptions des peintures de l’artiste mais aussi des lieux où il peint : campagne, rivière, champs et des jugements de Marguerite sur l’époque, sur les peintures des impressionnistes, sur les salons d’expositions, sur les mœurs des familles bourgeoises.
N’oublions pas que l’auteur avait obtenu le prix Goncourt des lycéens en 2009 avec l’excellent roman (dont j’avais fait une fiche élogieuse) : « Le club des incorrigibles optimistes ».

Joël Dicker : Le livre des Baltimore (n°4 Nov 2016)




Joël Dicker : Le livre de Baltimore - 2015, Ed de Fallois - roman

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« Trois ans après le Triomphe de la « Vérité sur l’affaire Harry Quebert », l’écrivain suisse Joël Dicker signe des retrouvailles très attendues avec son double Marcus Goldman », nous dit le titre d’un article de la revue Lire en octobre 2015.
Rappelons que le premier roman a été vendu à trois millions d’exemplaires, traduit dans 40 langues sans oublier le Grand Prix de l’Académie Française et le Goncourt des lycéens.
Dans Le livre des Baltimore, l’auteur nous raconte l’histoire d’une saga familiale, vivant aux Etats-Unis. Le personnage principal, Marcus est le portrait de l’auteur : ce Marcus cherche à écrire un roman qui ne décevra pas après le triomphe d’un grand succès…Ce jeune écrivain, habitant en Floride maintenant, revient sur sa propre vie, adolescent dans le New Jersey où il passait des vacances chez des riches cousins. Il forme un « gang » avec ses cousins, Hillel et Woody, et une future étoile de la chanson, Alexandra. Le quatuor vit ses rêves (l’un devient champion de foot) jusqu’au « Drame » que l’on découvre vers la fin du livre mais dont l’auteur nous cache la vérité durant tout le livre, tout en en parlant souvent !!! Technique de suspense assurée…
L’auteur utilise un peu la même façon d’écrire que dans le livre précédent : par le biais de lettres et de chapitres datés, on remonte les années pour comprendre le Drame et la suite du Drame.
Dans une interview, l’auteur dit avoir passé ses vacances dans sa jeunesse chez des « cousins d’Amérique » : on s’en doute car les détails sur la vie américaine, les mœurs, les traditions, les portraits des personnages (oncle et tante) sont vraiment bien vus ainsi que l’adolescence,  « période bénie où tout parait possible », dit-il.
Excellent moment de détente pour ce livre américain, écrit par un suisse…