samedi 25 février 2012

Emmanuel Carrère : Limonov

Photo de LIMONOV

COUP de COEUR
Emmanuel Carrère : Limonov – 2011, P.O.L. – roman français ?

On a beau avoir compulsé toutes les critiques sur ce livre, il faut l’avoir LU pour comprendre l’immense talent d’Emmanuel Carrère qui réussit à raconter la vie extraordinaire de Limonov, actuel candidat à la Présidence de la Russie, en faisant un passionnant portrait de « ce personnage fascinant ainsi qu’un voyage de l’URSS à la Russie d’aujourd’hui ».
A la lecture de ce récit, on ne s’ennuie jamais, on rit, on pleure, on s’étonne, on désapprouve, on apprend, on se questionne, on aime…

 Je vais donc reprendre quelques passages de critiques de journalistes littéraires pour faire l’éloge de ce roman.

Mais est-ce un roman ? Emmanuel Carrère nous dit lui-même : « La définition du roman parle de fiction. Or, tous les événements rapportés sont véridiques, même si je garde une liberté dans la mise en scène. Et il y a aussi tout ce qui relève de l’inexactitude involontaire… » « Drôle de genre que ce « Limonov », ni roman, ni récit, biographie subjective, racontée à la première personne par un auteur constamment présent, constamment impliqué » nous dit le journal ELLE. « Limonov est un livre stupéfiant, inclassable et bouleversant. Comment doit-on le considérer ? Comme un récit ? un portrait ? » nous dit Yasmina Reza dans le Monde. Alors…..Lisez-le !!!

C’est donc un genre de biographie sur Limonov. Impossible de résumer en quelques lignes la folle vie de cet homme. Mais qui est-il ? Voici ce que nous dit « Wikipédia » : « Sa vie est riche en rebondissement : il fut truand à Kharkov, poète à Moscou, sans-abri puis serviteur à New York, écrivain et journaliste à Paris, soldat en Serbie, dissident puis prisonnier politique dans l'ex-URSS, et maintenant candidat à la présidentielle russe de 2012. Emmanuel Carrère, son biographe, a écrit à son propos que "Sa vie symbolise bien les rebondissements de la seconde partie du XXe siècle" ».

« L’auteur ponctue son récit d’évocations personnelles (notamment ses années de coopération en Indonésie), de considérations sur la Russie d’aujourd’hui et de portraits comme celui, sublime, du foutraque Jean-Hedern Hallier », peut-on lire dans le Figaro Littéraire. Portraits aussi de Gorbatchev, Eltsine, Poutine à rebours de tout ce qu’on a pu lire sur eux.

Dominique Bona, auteur et critique que j’aime beaucoup nous dit : «  Au fil de pages drues, qui excellent dans l’enquête sur le terrain et  mériteraient un grand prix littéraire pour le style ample, sobre, d’une maîtrise qui force l’admiration, Emmanuel Carrère réussit ce prodige de nous faire aimer un sombre héros. » ainsi que « l’âme russe, belle dans sa fureur, rebelle dans ses insuffisances, aimable dans ses folies, admirable dans ses ressources » écrit un juré du Prix Renaudot, décerné à Emmanuel Carrère en 2011.

J’espère vous avoir donné envie de le lire !!!!

Anne Wiazemsky : Une année studieuse


COUP DE COEUR

"Une année studieuse" de Anne Wiazemsky - 2012, Gallimard - roman français.

Anne Wiazemsky, dans « Mon enfant de Berlin » imaginait la jeunesse de sa mère, fille de François Mauriac, engagée volontaire comme ambulancière à la Croix-Rouge en 1944. Elle se mariera avec un français d’origine russe qui aidait à récupérer les Alsaciens prisonniers des Soviétiques, les « malgré-nous », Yvan Wiazemsky. J’avais déjà beaucoup aimé ce livre…
Maintenant l’auteur nous raconte comment, en 1966, à 19 ans, surgit dans sa vie à elle le cinéaste Jean-Luc Godard, de 17 ans son aîné : « Elle a peur de lui, de tout, de la vie. Il insiste, elle cède, ils deviennent amant cet été-là. »

Ce livre « lumineux » dira F. Busnel en le présentant à la « Grande Librairie » est le roman de leur vie, de leur jeunesse énergique et joyeuse. L’auteur dit que ce livre n’est plus tout à fait son histoire : « La mémoire en a fait un roman » dit-elle. Elle réussit à faire « un brouillage de la réalité et de la fiction » (comme l’auteur Collette qu’elle admire dans « Naissance d’un jour » paru en 1928.)

On découvre un Godard terriblement amoureux, désarmant, fantaisiste, possessif, jaloux, très touchant qui va faire l’éducation de sa bien-aimée : les livres, le cinéma, la philosophie, le « petit livre rouge » de Mao : il lui enseigne tout, s’impose sur tout, la couve de cadeaux originaux, l’affole avec des surprises extravagantes. Anne doutera même de son amour : « Disputes et larmes ponctuent ce marivaudage passionné délicieusement nouvelle vague » nous dit un critique…

Elle, elle passera son bac philo, ira à la faculté de Nanterre tout juste inaugurée où elle cotoie Dany Cohn-Bendit, sera à l’avant-garde en prenant la pilule, tournera un film « la Chinoise », se disputera avec sa mère qui ne veut pas accepter « ce barbon gauchiste qui détourne sa fille mineure » (mais elle en a fait autant : elle a’ elle aussi, bravé tous les interdits !!).
Ils se marieront dans l’intimité en Suisse sans famille ni témoins après avoir obtenu l’assentiment de François Mauriac, le grand-père et tuteur d’Anne : « Devenir grand-père de Jean-Luc Godard, quelle consécration » dira-t-il.
Tout nous touche dans ce récit qui, en même temps retrace la France des Années « soixante ».

Les lecteurs de la génération sixties adoreront ce « roman » et retrouveront tous les problèmes et les joies de ces années mouvementées marquées par l’émancipation des femmes, leur liberté et les événements de mai 68.

Carole Martinez : Du domaine des murmures


« Du Domaine des murmures » de Carole Martinez - 2011, Gallimard - roman français.
Ce conte, avec le Moyen-âge en toile de fond, nous raconte la vie d’Esclarmonde qui refuse un brillant mariage pour vivre en « recluse », dans une austère cellule adossée à la chapelle  du château de son père, le châtelain régnant sur le Domaine des Murmures. Elle veut se consacrer à Dieu et à la prière. Mais avant son emmurement, un homme la viole et de cet acte, naîtra un petit garçon…
Elle devient une prophétesse, une sainte que l’on vénère. « La rigueur du christianisme et les légendes païennes héritées du passé s’entrechoquent ». L’auteur nous décrit à merveille ce monde mystique du Moyen-âge et la vie du château que notre héroïne voit depuis une petite fenêtre aménagée dans son tombeau pour passer la nourriture et, plus tard, son enfant tant que sa tête passe par les barreaux. Elle va devoir se partager entre son mysticisme et son amour pour son enfant dont elle devra se séparer, dure épreuve pour toute maman.

En songe  ou en vision, elle va suivre les traces de son père qui part à Jérusalem et voir la débâcle des croisades, ce qui nous vaut des descriptions très intéressantes sur l’atmosphère de l’époque. « Il y a en effet quelque chose de magique dans ce livre, un souffle épique et lyrique lié à l’univers singulier de Carole Martinez » nous dit un critique.
Ce livre est très original par son sujet et, malgré l’époque moyenâgeuse, est extrêmement moderne  par son histoire et son écriture qui est très poétique et envoutante. « Une écriture organique et musicale au rythme changeant, passant de la lenteur superficielle à la sauvagerie » nous dit un critique de la revue « Lire ».

Carole Martinez a reçu le prix  Goncourt des lycéens 2011 pour ce livre. Son premier livre, Le cœur cousu, avait eu un grand succès en 2007. Surprenant que les lycéens aient plébiscité ce livre : peut-être est-ce l’originalité du sujet qui les a attirés.