lundi 11 mars 2024

Patrick Modiano : La danseuse (N°1 - mars 24)

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 Patrick Modiano : La danseuse - Gallimard, 2023 - roman

 

L’écrivain Patrick Modiano a reçu le 10 décembre 2014 du roi de Suède, le plus prestigieux des prix littéraires, le prix Nobel de littérature, au Stockholm Concert Hall devant 1250 invités. L’Académie suédoise a distingué l’écrivain et son œuvre « où la petite musique rejoint la grande » et « pour l’art de la mémoire avec lequel il a fait surgir les destins les plus insaisissables et découvrir le monde vécu sous l’Occupation nazie ». Il est le 15ème lauréat français de ce prestigieux prix.

 Insaisissable, en effet, l’histoire de la danseuse et notre héros, apprenti écrivain, (n’est-il pas l’auteur lui-même ? ) qui vivent dans la pénombre d’un appartement de la Porte Champerret, dans un « clair-obscur » des pensées où se mêlent le présent flou et le passé mystérieux. « Ils semblent tous deux rescapés de mauvais coups, d’erreurs de jeunesse, de fréquentations de personnages peu recommandables » (Elle). Les époques s’entrechoquent et notre héros ne reconnait plus Paris « avec ses masses de touristes, l’atmosphère de parc d’attractions, la brutalité des rapports humains » (Match). Cette jeune danseuse fut harcelée dans sa jeunesse, sera sauvée par la danse classique qui l’aide « à remonter à la surface »dit-elle.

J’adore me laisser porter par l’atmosphère troublante et la belle écriture mélancolique, un peu tragique de cet auteur. Certains critiques jugent ce livre comme l’un des plus apaisés et lumineux de son œuvre. S’abstenir si on ne connait pas Modiano et l’ambiance de ses livres.

 

Sylvain Prudhomme : L'enfant dans le taxi (N°2- mars 24)

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 Sylvain prudhomme : L'enfant dans le taxi - Les Editions de Minuit, 2023 - roman

 

Sylvain Prudhomme est l’auteur de plusieurs romans d'une "écriture fluide et directe" qui sont toujours des « odes à la fraternité, à l’amitié, à l’amour », comme dans « Les Grands » paru en 2015 que j’avais particulièrement aimé qui se passait en Guinée Bissau et racontait la vie d’un groupe musical et comme « Par les routes » qui nous parle d’une profonde amitié entre le narrateur Sacha (n’est-il pas un peu l’auteur) et « l’auto-stoppeur » (c’est son seul nom dans le récit) (Prix Fémina 2019).

Ici dans « L’enfant du taxi », le narrateur, Simon (la quarantaine), va traquer un secret de famille qui lui a été révélé lors des funérailles de son grand-père : celui-ci n’avait pas 4 enfants dont son père mais 5 : il y avait en plus « le fils de l’allemande », inconnu de la famille… Nous voilà partis à la recherche de ce fils conçu lorsque le grand père était soldat dans l’après-guerre avec les troupes alliées qui occupaient le territoire du pays vaincu. Après recherche sur Internet et Google Map, nous allons sur la rive allemande du lac de Constance avec Simon pour retrouver les traces de cet homme rejeté par la famille…car Simon est « mu par un fort désir de réparation par rapport à cet homme ». C’est l’occasion aussi de réflexions sur la vulnérabilité des autres, vue avec tendresse et bonté, sur la bienveillance, le couple, les liens qui unissent les familles, la liberté : « comment être libre et accepter la liberté des autres ? »

Très beau roman « intimiste, porté par le phrasé précis, délié et accueillant, sensuel et sensible » de cet auteur. (Télérama).

 

Rachel Cusk : La dépendance (N°3-24)

 

 Rachel Cusk : La dépendance - Gallimard, 2022 - roman

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Rachel Cusq, auteure canadienne vivant en Grande Bretagne depuis 1974, a reçu le Prix Femina étranger 2022 pour ce roman, « son plus beau roman » dit l’OBS. La narratrice nommée M s’adresse avec malice à un interlocuteur attentif et bienveillant nommé Jeffers à qui elle peut raconter tout ce qui lui passe par la tête :  confidences,  élucubrations et rapports avec les personnes avec qui elle vit en huis-clos dans une magnifique propriété au bord d’un marais : son deuxième mari H, simple, gentil et rustique ; un artiste de renommée mondiale qu’elle reçoit dans une « dépendance » (excellent choix du titre en français à double sens…) de sa maison ayant l’habitude de profiter de l’accueil et de la générosité de ses admiratrices… ; la compagne de cet artiste ; sa fille venue avec son copain. L’auteur décortique la complexité des relations humaines : les états d’âmes et les sentiments contradictoires de son héroïne au milieu de ce petit monde hétéroclite.

 Un peu long par moments mais on reste « addictif » et ébahi devant le flot de pensées criantes de vérité et d’émotions intimes de cette femme.